Turquie : Bilan d’étape d’une quête de pouvoir absolu
Justement dans l’administration, la loyauté prime à tel point qu’aujourd’hui il n’existe plus un seul administrateur de haut niveau qui ne soit pas directement ou indirectement lié au parti au pouvoir. En conséquence les grands corps de l’état sont totalement phagocytés par les obligés du régime, souvent incompétents mais loyaux. L’académie, l’administration du territoire, l’armée, la diplomatie, la justice et le Trésor sont vidés de leurs meilleurs fonctionnaires et sont de fait devenus caduques. Les décisions émanant normalement de ces grands corps de l’état sont prises par une armée de conseillers à la présidence logés au palais présidentiel.
Avec l’étranger :
• Le régime est en conflit ouvert avec deux alliés de taille, l’Allemagne et les Etats-Unis ;
• Les activités illicites des imams officiels travaillant les ressortissants de Turquie au corps en Allemagne, les accusations d’espionnage en territoire allemand, les invectives du régime à l’endroit des politiciens allemands, l’asile donné en Allemagne à certains accusés de la tentative du coup d’état du 15 juillet 2016, le reconnaissance par le Bundestag du génocide des Arméniens, les consignes de vote pour les Turcs d’Allemagne aux élections allemandes, l’interdiction au Bundestag de visiter les militaires allemands en mission de l’OTAN en Turquie, la détention de ressortissants allemands accusés d’espionnage, les considérations d’embargo sur la vente d’armes allemandes au régime, le refus unanime de la classe politique et de la société allemandes de continuer les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne…tous ces points de discorde empoisonnent les relations turco-allemandes sans pour autant aller jusqu’à remettre en cause les lucratifs échanges commerciaux et industriels ;
• Avec l’autre allié de taille, les Etats-Unis, le régime a essuyé une série de revers tant il avait misé sur Trump. La nouvelle administration a refusé d’extrader Gülen considéré comme le responsable principal de la tentative de coup d’état, tout comme l’homme d’affaires turco-iranien Zarrab en prison à New York, accusé ensemble avec des politiciens turcs d’avoir violé l’embargo américain contre l’Iran. Washington au grand désespoir d’Ankara a également refusé d’obtempérer et continue à fournir en armes lourdes et protéger l’armée kurde en Syrie dans sa guerre contre le Daesh. Les soupçons de collaboration d’Ankara avec le Daesh restent également un point noir dans le soi-disant partenariat stratégique turco-américain. Dans cette veine, les gesticulations du régime afin d’acheter des missiles anti-aériens SS-400 à la Russie irritent Washington comme le QG de l’OTAN ;
• Avec l’Union européenne les relations sont au point mort depuis longtemps et n’ont aucune chance de redémarrer. Les institutions européennes vont probablement prendre note de cet état de fait et proposer dans les mois prochains à Ankara un nouveau format pour les relations bilatérales sans perspective d’adhésion, ni même la révision de l’union douanière, une relation pourtant cruciale pour l’économie turque. Il est aujourd’hui un secret de Polichinelle que la Turquie ne remplit en aucune façon les critères requis pour négocier son adhésion à l’Union et ses relations avec l’Europe en général rappellent tout sauf un partenariat ;
• Les relations avec les autres institutions européennes, telle que le Conseil de l’Europe par exemple, sont également tendues. La Turquie y est accusée de contrevenir aux valeurs fondatrices du continent, le comité contre la torture la pointe du doigt, l’Assemblée parlementaire l’a remise sous surveillance et la Cour Européenne des Droits de l’Homme a depuis longtemps jeté l’éponge devant le nombre gigantesque de plaintes émanant de citoyens de Turquie tant on ne peut plus y parler d’un état de droit ;
• Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme critique régulièrement les exactions d’Ankara tout comme les grandes ONG internationales comme l’Amnesty International, Freedom House, Human Rigths Watch, Reporters sans Frontières, etc… ;
• Les relations avec les voisins relèvent davantage de tensions et de menaces que de coopération. La Turquie a des relations normales seulement avec la Géorgie parmi ses 12 voisins terrestres et maritimes. Avec les 11 autres les relations suivent une courbe erratique selon les humeurs des décideurs du palais présidentiel. Quant au Moyen- Orient, les « amis » d’Ankara se limitent pour l’heure à…Qatar !